Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/342

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étaient devenus pour elles des sujets inépuisables de discussions.

Figurez-vous donc la consternation de toutes les bonnes gens lorsque quelqu’un qui l’avait vu, de ses deux yeux vu, et qui par conséquent devait bien le savoir, annonça que le facteur avait remis le matin même à Thomas Higgs une lettre d’une tournure étrangère, et qu’en la recevant l’homme était devenu blanc comme une chemise ; que de plus il s’était précipité dans son atelier, avait causé un instant avec le contre-maître, et, sans dire adieu à une seule créature vivante, était parti, un simple sac de nuit à la main, avant que vous eussiez pu cligner de l’œil. Mistress Scrubbs, son hôtesse, car Thomas ne demeurait pas dans sa maison d’affaires, mistress Scrubbs était dans la plus profonde affliction. La chère femme avait des frémissements en parlant de son locataire. Quitter son logement d’une façon soudaine, sans seulement prévenir un jour à l’avance, ce à quoi devait s’attendre toute femme comme il faut, n’aimant pas à être foulée aux pieds, ce qui, Dieu merci ! n’était pas dans ses habitudes, à elle, mistress Scrubbs, c’était un fait inouï ! une chose révoltante ! Non, Thomas Higgs ne l’avait pas remerciée de ses bontés passées. Certes, mistress Scrubbs n’était pas de ces femmes qui mendient des remerciements à chaque pas. Mais au moment de partir, rien !! C’était scandaleux. Sans doute, mister Higgs avait tout payé jusqu’au dernier sou, il avait même laissé une paire de bottes neuves dans un coin de la chambre, chose qui dénotait à elle toute seule un grand trouble d’esprit, mais la vue de ces bottes vides, droites comme des soldats en faction, faisait mal à la sensible dame, si mal qu’elle avait fait mander sans retard auprès d’elle une de ses bonnes amies, miss Scrumpkins, afin d’avoir devant elle quelqu’un avec qui elle pût exhaler ses douleurs.