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Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/54

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d’une bonne étable d’hiver pour la vache ; mais par ma foi, le père était encore plus ambitieux que cela : Une grande voile attrape le vent, disait-il, nous ferons ce que nous voudrons, bientôt. Et alors nous chantions ensemble pendant que je rangeais le ménage. Ah ! à mer calme, gouvernail facile. Rien ne me chagrinait, dans ce temps-là, j’étais gaie du matin au soir. Toutes les semaines, le père sortait le bas, y laissait tomber son argent, riait et m’embrassait pendant que nous le rattachions tous les deux. Allez-vous-en, Hans, allez-vous-en ! Pourquoi restez-vous là comme ça, devant moi, bouche béante, pendant que le temps passe ? ajouta d’un air mécontent dame Brinker, qui rougit en s’apercevant qu’elle avait parlé d’une manière trop libre devant son garçon. Il est grand temps que vous vous mettiez en route. »

Hans, qui s’était assis et fixait ses yeux sérieux sur le visage de sa mère, se leva en parlant presque bas :

« Avez-vous jamais essayé, mère ?… » dit-il.

Elle le comprit.

« Oui, mon enfant, souvent ; mais le père se contente de rire, ou bien, il me regarde d’une manière si étrange que je n’ose plus en demander davantage. Lorsque vous et Gretel avez eu la fièvre, l’hiver dernier, que le pain était sur le point de manquer à la maison, que je ne pouvais rien gagner, par crainte que vous ne vinssiez à mourir pendant que je ne vous regardais pas, oh ! j’ai essayé alors ! Je lui passais la main dans les cheveux, je lui parlais tout bas de l’argent, d’une voix aussi douce que celle d’un jeune chat. Où était-il ? Où était l’argent ?… Hélas ! il me tirait par la manche en disant tant de choses qui n’avaient pas de portée, que mon sang se figeait dans mes veines. À la fin, un jour que Gretel était là, étendue, blanche comme un suaire, et que vous, Hans, divaguiez aussi sur votre couche, je me mis à lui crier – il me semblait qu’il devait