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Ces pensées lui traversaient l’esprit, pendant qu’il se dirigeait vers Amsterdam, située à moins de cinq milles sur l’autre branche de l’Y[1] gelé. La glace du canal était parfaite, mais ses patins de bois, si près d’être admis à la retraite, lui grinçaient un triste adieu.

Pendant qu’il traversait l’Y, mais était-ce bien possible, mais ne se trompait-il pas ? il crut apercevoir, il aperçut le célèbre docteur Boekman qui arrivait vers lui en patinant.

Le docteur Boekman ! Ah ! que de fois il avait pensé à lui. Le docteur Boekman était le plus fameux médecin et chirurgien de la Hollande. Hans ne l’avait jamais rencontré jusque-là, mais il avait souvent vu son portrait aux fenêtres des boutiques d’Amsterdam. C’était une de ces figures qu’on ne peut oublier : longue et maigre, quoique hollandaise, avec des yeux bleus froids et sévères ; de drôles de lèvres serrées l’une contre l’autre et qui semblaient dire : « Il est défendu de sourire. » Ce personnage n’avait l’air ni joyeux, ni sociable ; il n’était pas non plus de ceux qu’un garçon bien élevé se fût permis d’accoster sans y être autorisé.

Mais Hans s’y sentait autorisé, et cela par une voix qu’il méconnaissait rarement : celle de sa conscience.

« Voici le plus grand médecin du monde entier, lui soufflait la voix, c’est Dieu qui te met en sa présence, c’est Dieu qui te l’envoie ; tu n’as pas le droit d’acheter des patins quand tu pourrais, avec cet argent, payer peut-être la guérison de ton père. C’est le moment ou jamais de tout oser. »

Ses patins de bois poussèrent un cri de triomphe. Des centaines de magnifiques patins apparaissaient et reluisaient dans les airs, au-dessus de la tête de Hans. Il sentit

  1. Prononcez Aï ; c’est un bras du Zuiderzée.