Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/14

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et tombent sur le petit : c’est qu’il est plus adroit qu’eux, et sale, et pouilleux. Ils le traînent hors de la piste, le roulent dans la neige, le cognent, et le jettent la bouche contre le trottoir. L’enfant se relève, essaie de se défendre, le bras en bouclier ; mais il est seul. De rage et de douleur, il s’en va, boitant et pleurant pitoyablement.

C’est ainsi que mon frère Kees nous revenait toujours, quand nous étions petits. Ce sensuel petit Kees, il avait d’admirables larmes, grandes et limpides comme des perles de rosée.

En me retirant de la fenêtre, j’aperçus ma figure dans l’espion. Ma bouche était contractée, mes yeux en pleurs : je venais de revivre une des scènes douloureuses de notre misérable enfance. Ces scènes, dont nous sortions honnis et maltraités, étaient toutes provoquées par notre pauvreté, car, quand c’est pour le plaisir, ce sont toujours les déguenillés que l’on rosse.