Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/157

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travail reprit fiévreux. Je trouvais très jolie, en entrant dans la salle, la buée argentée, où ces jeunes bras nus et ces chevelures de toutes nuances se démenaient dans une grande activité ; mais quand il me fallut respirer les émanations qui s’en dégageaient, cette impression presque inconsciente de beauté se dissipa bientôt.

On me conduisit vers une jeune femme qui devait me mettre au courant : elle me reçut assez mal, car, comme on travaillait à la pièce, s’occuper de moi était pour elle une perte de temps.

Le travail consistait à tremper dans l’eau vitriolée de longs bonnets en laine, et à les enrouler en les frottant sur une tablette attenante aux bacs. On répétait l’opération jusqu’à ce que les bonnets fussent assez rétrécis pour en façonner des chapeaux de feutre. On suait abominablement à cette besogne, et, par cet hiver glacé, toutes presque toussaient. L’eau était très chaude, l’acide corrosif : mes ongles se ramollirent en quelques heures, et se cassèrent, en laissant dépasser un gros bourrelet de chair au bout de chaque doigt. À l’heure du déjeuner, mes mains étaient si gonflées et si douloureuses que je ne pus presque tenir ma tartine. Pendant ce repas, mon interrogatoire commença :

— Comment je m’appelais ?