Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pâte avec une louche, fit bien rissoler des deux côtés, glissa les crêpes sur un plat, y étala du sirop doux, et les déposa, couvertes d’une assiette, entre le matelas et l’édredon, afin de les tenir chaudes. Après s’être léché les doigts, elle plaça sur la table deux assiettes, deux couverts en étain bien luisants, et, pour être mangés avec les pommes de terre, un plat d’éperlans froids délicieusement croustillants.

Ah ! si elle voulait me donner un éperlan ou une crêpe ! Je laverais bien sa vaisselle et resterais jusqu’au soir pour faire toute sa besogne. Mais elle se dirigea vers l’armoire, y prit un pain noir, me le donna sans l’envelopper, et dit :

— Maintenant, va-t’en ! Mon homme va revenir manger : il n’aime pas trouver des étrangers. Et bien des compliments à ta mère.

— Merci, Mademoiselle, et bien les compliments à votre homme.

Je repris mes sabots à la porte, redescendis en me tenant au câble, et, par la neige fondue qui pénétrait à nouveau dans mes sabots, je traversai la rue pour me rendre chez l’autre ancienne voisine.

Mademoiselle Rendel avait été une dame, disait-on, mais avait fait un mariage au-dessous de son rang. Son mari était facteur dans une