Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/107

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sieurs les officiers et les soldats qui n’étaient pas absolument nécessaires pour la garde du fort, allant tous avec une joie indicible au devant de lui, l’embrassant avec une affection si tendre qu’il ne peut s’exprimer, tous lui disaient : “ Soyez le bienvenu, que n’êtes vous venu encore un peu plus tôt, que vous étiez souhaité par deux soldats qui viennent de mourir, que vous allez apporter de joie à tous nos malades, que la nouvelle de votre arrivée les réjouit, que nous vous avons d’obligation.” Comme on lui faisait ces compliments, l’un le déchargeait de son sac, l’autre lui enlevait sa chapelle, et enfin l’avant mis dans un état plus commode, on le mena au fort où après quelques prières faites, il visita quantité de malades dans leurs cabanes, ensuite de quoi, il alla se rafraîchir avec Mrs. Lamothe et Durantaye et tous messieurs les officiers subalternes ; au reste, il était temps d’arriver, car de 60 soldats qui étaient dans ce fort, en peu il s’en trouva 40 attaqués du mal de terre tout à la fois : maladie qui les infecte tellement et les mettait dans un si pitoyable état qu’on ne savait qui en réchapperait tant ils étaient grandement malades, même on appréhendait que ceux qui restaient encore sains ne fussent saisis de ce mal contagieux, surtout à cause qu’ils n’avaient aucuns légumes, qu’ils n’avaient que du pain et du lard et que même leur pain était mauvais à cause que leur farine s’était corrompue sur la mer. Ce qui leur causa toutes ces disgrâces à l’égard des vivres, ce fut que jusqu’à la fin de l’automne, on avait résolu d’abandonner ce lieu qu’on ne pensa à garder que dans un temps où l’approche de l’hiver réduisit M. l’intendant, nonobstant tous ses soins, à l’impossibilité de le mieux ravitailler, ce qui obligea un chacun de se contenter de la subsistance qu’on y put jetter en ce peu de temps qu’il y eut. Or malheureusement, il leur échut de la farine gâtée et de l’eau-de-vie que les matelots avaient remplie d’eau de mer en la traversée de France, ils avaient en outre cela une barrique de vinaigre laquelle eut été excellente pour leur mal, mais malheureusement, elle coula et se perdit entièrement, enfin tout était en un si pitoyable état que tout eut péri sans que M. de Lamothe voulant tout tenter afin de sauver la vie à un de ses cadets, l’envoya au Montréal avec quelques hommes qui en revinrent chargés, parceque M. Souard et Mlle. Mance appréhendant surtout la mort de cet ecclésiastique qui était à Ste. Anne, lui envoyèrent plusieurs traines chargées de tous les rafraîchissements possibles ; comme pourpier, salé, oignons, poules et chapons avec une quantité de pruneaux de Tours ; M. de Lamothe voyant entrer toutes ces provisions dans son fort et que ses amis lui en avaient envoyé fort peu pour n’en avoir pas pu trouver, il pensa y avoir une petite querelle entre lui