et les prières étaient réglées, et chacun était soigneux de s’y rendre,
les jurements et les paroles moins honnêtes ne s’y entendaient
quasi point du tout, la piété y était si grande que le missionnaire
qui y servait s’en trouvait abondamment payé de ses peines, il
assista à la mort 11 de ces soldats, assurément aussi bien disposés
qu’on le pouvait souhaiter. Tous les voyages du Montréal lui
apportaient de nouveaux rafraîchissements qui le rendait bon
orateur auprès de ses malades, s’il n’était pas dans leur chambre
ou bien dans la sienne à prendre un peu de repos, il était obligé
pour éviter le mal, d’aller entre les bastions du fort où la neige
était battue prendre l’air et faire des courses afin d’éviter le mal
dont il se ressentait un peu, ce qui l’aurait fait prendre pour fou
si on l’avait vu et on n’aurait pas su combien un exercice aussi
violent était nécessaire pour préserver de ce mal ; il est vrai que
cela était plaisant de voir réciter un bréviaire à la course, mais
comme il n’avait point d’autre temps, il croyait bien employer
celui-ci à dire son office, sans que messieurs les casuistes y puissent
trouver à redire, si sa chambre eut été plus commode, il l’eut fait
dedans avec plus de bienséance, mais c’était un bouge si étroit, si
petit et si noir que le soleil n’y entra peut-être jamais et d’un si
bas étage qu’il ne s’y put tenir debout. Un jour M. de Lamothe se
voyant avec si peu de monde, pour combattre et si avancé vers les
ennemis, il dit en riant à son missionnnaire : “—Voyez, monsieur,
je ne me rendrai jamais, je vous donnerai un bastion à garder ; ”
Cet ecclésiastique afin de rendre le change à sa raillerie lui dit :
“ M. ma compagnie est composée de malades dont le frater est le
lieutenant, faites moi préparer des civières roulantes, nous les
conduirons dans le bastion que vous nous direz, ils sont braves
maintenant, ils ne s’enfuiront pas comme ils ont fait de votre
compagnie et de celle de M. de la Durantaye dont ils ont déserté
pour venir à la mienne.” Après ces railleries, on se vit dans la
croyance que nous allions être attaqués, mais heureusement c’était
des ambassadeurs Iroquois qui venaient demander la paix, accompagnés
de quelques Français qu’ils ramenaient de leur pays,
aussitôt que l’on les vit, on fit faire grand feu par toutes les cabanes
afin de leur faire accroire qu’il y avait du monde partout, étant
venu au fort, on ferma toutes les cabanes afin de leur faire croire
qu’elles étaient pleines de monde ; outre cela on leur dit que
c’était merveille qu’ils n’avaient pas été tués à venir jusqu’à ce
lieu, d’autant qu’il y avait de tous côtés des soldats en parti, ce
qu’ils crurent par après très-véritable, à cause que s’en allant de
là au Montréal, ils trouveront une troupe de convalescents qui en
venaient au nombre de 14 ou 15, qui visèrent sur eux le fusil
Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/109
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