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ABRÉGÉ DE LA MISSION DE KENTÉ.

ment pour cette mission, ensuite de quoi, on alla pour ce sujet trouver Mgr . l’Évêque, lequel nous appuya de sa mission, quand à M. le Gouverneur et monsieur l’Intendant de ce pays, on n’eut pas de peine à avoir leur consentement, vu qu’ils avaient d’abord jeté les yeux sur nous pour cette entreprise. Ces démarches absolument nécessaires étant faites, nous partîmes sans tarder parceque nous étions déjà bien avancés dans l’automne ; enfin nous embarquâmes à Lachine pour Kenté le 2 octobre, accompagné de deux sauvages du village où nous allions, après avoir déjà avancé notre route et surmonté les difficultés qui sont entre le lac St. Louis et celui de St. François, lesquels consistent en quelques portages et trainages de canot, nous aperçûmes de la fumée dans une des ances du lac St. François, nos Iroquois crurent d’abord que c’étaient de leurs gens qui étaient sur ce lac, c’est pourquoi ils allèrent au feu, mais nous fumes bien surpris, car nous trouvâmes deux pauvres sauvagesses toutes décharnées qui se retiraient aux habitations françaises pour se délivrer de l’esclavage où elles étaient depuis quelques années ; il y avait quarante jours qu’elles étaient parties du village Onnéiou où elles étaient esclaves et n’avaient vécu pendant tout ce temps-là que d’écureuils qu’un enfant âgé de dix à douze ans tuait avec des flèches que lui avaient fait ces pauvres femmes abandonnées. Nous leur fîmes présent à notre arrivée de quelques biscuits qu’elles jettèrent incontinent dans un peu d’eau pour les amollir et pouvoir plus tôt apaiser leur faim, leur canot était si petit qu’à peine pouvait-on être dedans sans tourner ; nos deux sauvages délibérant ensemble ce qu’ils avaient à faire se résolurent de mener chez eux ces deux pauvres victimes avec cet enfant et comme elles craignaient qu’on ne les brûlât, car c’est là le châtiment ordinaire des esclaves fugitifs parmi les sauvages, elles commencèrent à s’attrister, alors je tachai de parler aux sauvages et de les obliger de laisser aller ces femmes qui dans peu seraient chez les Français, je leur disais que s’ils les emmenaient M. le Gouverneur venant à le savoir serait convaincu qu’il n’y avait encore rien d’assuré pour la paix puisqu’un des points des articles de paix étaient de rendre les prisonniers, toutes ces menaces ne purent rien sur leur esprit, ils nous disaient pour raison que la vie de ces femmes était considérable, que si les sauvages du village où elles s’étaient sauvées venaient à les rencontrer ils leur casseraient la tête. Ensuite nous marchâmes quatre journées par les plus difficiles rapides qu’il y a sur cette route ; après cela un de nos sauvages qui portait un petit baril d’eau-de-vie dans son pays en but et partant il s’enivra, puisqu’ils ne boivent pas autrement ni pour autre sujet, à moins qu’on ne les em-