Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
ABRÉGÉ DE LA MISSION DE KENTÉ.

pratiquer tant de beaux actes de vertu, il est mort pour vivre plus heureux, allant au lieu des soupirs des derniers temps de sa vie, de pareilles bonnes œuvres font la seule consolation des missionnaires parmi toutes les peines qui se rencontrent dans l’instruction de ces pauvres abandonnés, je les appelle ainsi même à l’égard de leurs âmes, car bien souvent ils n’ont pas pour le spirituel tout le secours qui leur serait nécessaire : operaravy pauci missi vero mulla (?) Nous avons trois villages dans cette étendue de notre mission sans compter les cabanes écartées. Il n’y a pas un de ces villages où il n’y eut pour employer un bon missionnaire. Nos principales occupations sont auprès des malades ou auprès des enfants qui écoutent volontiers les instructions qu’on leur fait et même prient bien Dieu en leur langue et se croient bien récompensés si après leur instruction le missionnaire leur fait présent d’un pruneau ou d’un grain de raisin, ou quelqu’autre semblable rafraîchissement, ce qui nous sert comme les Agnus et les images servent en France à ceux qui y font le catéchisme. Les pères et les mères n’ont aucune opposition à ce qu’on instruise leurs enfants ; au contraire, ils en sont vains, et en prient même souvent les missionnaires. Je suis obligé de rendre ce témoignage à la vérité, que les sauvages tous barbares qu’ils soient et sans les lumières de l’évangile ne commettent point tant de péchés que la plupart des Chrétiens.

Voilà un petit crayon de tout ce qui s’est passé dans notre mission autant que la mémoire me l’a pu fournir, car jamais je ne me suis appliqué à en faire aucune remarque, sachant bien que Dieu est une grande lumière et que quand il veut qu’on connaisse les choses qui regardent sa gloire, il ferait plutôt parler les arbres et les pierres. Je ne suis pas fort attaché à décrire les petites peines qu’ont pu ressentir les missionnaires de Kenté, ni les privations dans lesquelles ils se sont trouvés très fréquemment depuis le temps que cette œuvre est entreprise. Ce que je puis ajouter à la lettre de M. Trouvé est que les missionnaires de Kenté souffriront beaucoup moins à l’avenir que par le passé, d’autant que Messieurs du Séminaire de St. Sulpice ont fourni le lieu de bestiaux, cochons et volailles et que messieurs les missionnaires ont transférés avec beaucoup de peine ; que si le roi fait faire un jour quelque entreprise sur le lac Nontario comme le lieu semble l’exiger pour tenir les Iroquois dans la dernière soumission et avoir toutes leurs pelleteries qu’ils viennent faire sur nos terres et qu’ils portent après aux étrangers, ceux qui seront commandés pour cette exécution et établissement pourront recevoir de grands secours spirituels et temporels tout à la fois de Kenté, par les moyens des travaux et dépenses que font Messieurs du Séminaire de St. Sulpice en ce