disputaient fortemont, les uns disaient que c’était une barque, les autres le contraire, la barque ayant resté pendant toute cette dispute.
Enfin elle se lassa d’attendre, et croyant fermement qu’il n’y avait plus personne à cause qu’elle ne voyait ni n’entendait rien, elle
résolut de lever l’ancre et de partir pour retourner vers Kêbecq,
assurant qu’il n’y avait plus de Français au Montréal ; or la barque
étant partie, et le temps étant devenu serein, nos Français qui
jusqu’alors avaient dit qu’il n’y avait point eu de barque dirent
aux autres : “ Hé bien, y avait-il une barque ?” Ceux qui avaient
tenu l’affirmation dirent que cela avait bien la mine d’une barque,
qu’il fallait que ce fut un fantôme ou bien quelque diablerie, ainsi
se résolut la question jusqu’aux premières nouvelles de Québec,
qui apprirent au Montréal que ce n’était point un prestige, mais
bien une véritable barque, ce qui fit un peu rire et ce qui doit
aussi apprendre à un chacun qu’on estimait ici le monde dans un
tel danger d’être taillé en pièces on ces temps-là, que toutes les fois
qu’on y venait, on y était dans de grandes appréhensions que cela
ne fut déjà fait, c’est pourquoi on osait en approcher sans beaucoup
de circonspection, crainte d’y rencontrer des Iroquois au lieu des
compatriotes que l’on y venait chercher ; même communément, il
fallait aller aux barques pour les avertir de ce qui se passait et
leur donner avis de l’état des choses, autrement ont eut été en
danger, que sans s’en approcher elles ne s’en fussent allé aussi bien
que celle-là. Mais parlons d’autre chose, et disons que Mlle Mance
toute désireuse du retour de M. de Maison-Neufve, descendit à
Kébecq de bonne heure cette année-là, ce qui fut un coup de la
Providence, d’autant que n’ayant pas de chaloupes pour descendre,
elle eut été enlevée infailliblement par les Iroquois si elle y eut
été plus tard, d’autant que ces antropophages, ennemis du genre
humain, se ressouvinrent de la réussite qu’ils avaient eu l’an dernier
aux Trois-Rivières, y vinrent bientôt après qu’elle fut passée,
rechercher ce qui avait échappé à leurs cruautés, bloquant ce lieu
des Trois-Rivières, avec 600 hommes ; elle aurait dormi dans ce
blocus et aurait été prise au passage si elle avait tardé ; mais heureusement
elle était à Kébeck, où elle apprit par feu M. Duhérison,
qui était du premier navire, que M. de Maison-Neufve, venait avec
plus de cent hommes, ce qui lui donna une joie non puérile, et
même dans tout le public qui était fort abattu de crainte ; tout le
monde dans Kébecq et par les côtes, commença à offrir ses vœux à
Dieu pour son heureuse arrivée, on le nommait déjà le libérateur
du pays. Cette heureuse nouvelle venue, Mlle Mance supplia M. le
Gouverneur de vouloir bien donner au plus tôt cet agréable avis
au Montréal ; il ne lui put refuser une si juste demande, et pour
Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/52
Aller à la navigation
Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
