Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/11

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en ce lieu ; même je sais qu’une fois remarquant une extraordinaire tristesse dans un bon garçon qui avait fait voir plusieurs fois son cœur contre les ennemis, il l’interrogea, et sachant que c’était parceque il n’avait rien de quoi traiter avec les Outaouas, lesquels étaient lors ici, il lui fit venir en sa chambre, et comme il était tailleur de profession, il lui fit couper jusqu’aux rideaux de son lit pour les mettre en capots afin de les leur vendre et ainsi il le rendit content ; sur quoi il est bon de savoir qu’il ne faisait pas les choses pour en tirer aucun bien, mais par une pure et cordiale générosité laquelle le rendit digne de louanges et d’amour, ce que n’ont pas moins mérité plusieurs autres qui ne sont pas moins dépouillés que lui de ce qu’ils avaient, d’autant que tout ce qu’ils ont fait n’a été que par la cupidité d’un profitable négoce, qui cherche partout l’utile et le souverain de tous les biens.

Ce brave et incomparable gentilhomme rencontré, les associés ne songent plus qu’à de l’argent et à s’assurer de bons hommes afin de faire une belle et considérable dépense pour Dieu et l’honneur de la France en leur première levée de boucliers, qu’ils résolurent de commencer au premier départ des navires pour le Canada, qui était au printemps suivant qui était celui de 1641.

Que s’ils réussirent Dieu les assista bien et il leur en couta bon, surtout à cause des faux frais que le peu d’expérience et la tromperie des hommes fait faire en pareille occurence où il est à remarquer que cet embarquement se monta à vingt cinq mille écus en France et qu’ils n’étaient encore que six personnes qui contribuassent à ce dessein et que partout, il fallait que la grâce fut bien forte puisqu’elle les obligeait à employer tant de biens en faveur d’un ouvrage qu’ils savaient ne leur rien rapporter. Enfin le printemps venu, ils donnèrent les ordres pour rembarquement qu’ils résolurent de faire principalement à Larochelle où messieurs de Fauquant et de la Doversière se rendirent exprès à la prière de leurs confrères, afin d’y assister M. de Maison-Neufve qui y allait après avoir reçu de MM. les associés la commission de venir commander en ce lieu où Sa Majesté leur a donné le pouvoir de commettre des Gouvernements, d’avoir du canon et autres munitions de guerre, ces trois messieurs ne furent pas plus tôt arrivés à Larochelle qu’ils recherchèrent encore de toute part du monde propre à bien soutenir ce poste. Ils ne choisirent pour cette mission que de bons hommes en quoi ils avaient d’autant plus raison qu’ils savaient que ce lieu devait être fort chaud et difficile à défendre par un petit nombre de soldats tel que celui qu’ils pouvaient fournir, vu la cruauté et la multitude des ennemis qu’ils y devaient combattre ; outre cette levée de soldats, ils firent de grandes