Page:Dolomieu - Mémoire sur les tremblemens de terre de la Calabre.djvu/52

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Ce n’eſt pas encore auprès de la Ville que ſe ſont faits les plus grands boulverſements, mais a un & deux milles de diſtance, dans les vallées profondes formées par les rivieres Tricucio, Birbo & Boscaïno. Lá, ſe rencontrent tous les accidens que j’ai annoncé dans le commencement de ce memoire. Ici le ſable & l’argille ont coulé a la maniere des torrens de lave, ou comme s’ils étoient délayés par l’eau. Ailleurs des portions conſiderables de montagnes ont marché, pendant pluſieurs milles, en deſcendant dans les vallées, ſans ſe détruire & ſans changer de forme . Des champs entiers couverts de vignes & d’oliviers, ſe ſont précipités, dans les fonds, ſans perdre la poſition horiſontale de leur ſurface ; d’autres ſont reſtés inclinés ; quelques uns ſe ſont placés verticalement &c. La chute des eſcarpemens opoſés & leur rencontre ont formé des digues de pluſieurs milles d’épaiſſeur ; elles ont fermé le paſſage des eaux & produit pluſieurs grands lacs que le gouvernement travaille a deſſecher. Il faut pour cela ouvrir des Canaux très profonds & de trois & quatre milles de longueur au milieu des éboulemens ; ce qui demande beaucoup de tems &


d’ar-


l’emplacement du lac qui a été comblé. Ce baſſin, rempli d’un ſable fin, ſur le quel l’eau de la rivierre coule, paroit un vaſte goufre de boüe, que l’œil ne conſidere pas ſans frayeur, & qui a cent pas de large. Mon guide me dit, qu’il falloit le traverſer, pour aller a l’ancienne Ville. J’hazardai avec crainte quelques pas, mais raſſuré par les premiers eſſais, & trouvant de la ſolidité dans ce qui ne me paroiſſoit qu’une vaſe griſe & molle, je traverſai ce lac de ſable, ayant de l’eau juſqu’au genoux & je pris un petit ſentier tortueux, qui me fit gravir, au milieu des brouſſailles, un eſcarpement que je jugeois inacceſſible.