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Page:Dombre - La Dame en bois.djvu/14

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à ses moindres injonctions au moyen de ressorts secrets qui les faisaient mouvoir ; William Stone parlait pour ces singuliers personnages qu’il faisait converser ensemble, et il changeait le ton et l’accent de chacun à s’y méprendre.

Ce soir donc, le dernier que Stone et sa fille devaient passer à Vichy, Andréina fut envoyée au lit à neuf heures, comme toujours, pendant que son père donnait une représentation d’adieu aux habitants et aux baigneurs de la ville.

Il était bien fatigué, le pauvre ventriloque, et il sentait que le médecin avait raison en lui défendant de continuer à exercer son métier ; mais de quoi aurait vécu la petite Andréina ? Il n’avait pas d’autre moyen de la nourrir, de l’élever.

C’était pour elle qu’il campait à la fantaisie du public, dans les résidences d’été ou les villes d’hiver : pour elle qu’il gagnait la scène d’un pas chancelant et jouait son éternelle comédie avec ses bonshommes de bois, abîmant sa poitrine, forçant sa voix à se multiplier, à se grossir ou s’affaiblir selon les besoins du jeu.

Ce soir-là, particulièrement, il se sentait bien malade : ses cheveux blonds étaient trempés de sueur, la fièvre creusait sa joue terreuse ; il souriait d’un sourire navré, forcé.

Quand il arriva sur l’estrade, de son pas fatigué, saluant le public avec une inexprimable dignité, la dignité de l’homme entraîné par le malheur au-dessous de sa position, mais luttant contre le sort avec fermeté, on l’accueillit ainsi que chaque soir avec de frénétiques applaudissements, car il possédait un talent réel.

Les enfants rêvaient de lui et de ses poupées automatiques si bizarres, si bien faites, qu’on croyait voir et entendre des êtres vivants. Il y avait surtout la dame en