Page:Domela Nieuwenhuis - Le Militarisme.djvu/12

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Comme si un Luther, lorsqu’il s’en alla à la diète de Worms malgré l’avis de ses amis en disant : Fussent-ils à Worms autant de diables que de tuiles sur les toits, j’irai tout de même ! ne montra pas plus de courage que la plupart des militaires n’en montrent au « champ d’honneur », lorsque dans un coup d’étourdissement ils font preuve de toute leur bestialité au détriment de leur prochain ! Comme si un Zola, en lançant à la face de tout le monde militaire et politique son J’accuse, ne fit pas preuve d’un héroïsme bien plus grand que celui de tous ces galonnés qui s’en vont, avec leur artillerie à longue portée, faire la guerre à des aborigènes mal armés dans d’autres parties du monde. Comme si un médecin qui brave la mort en allant visiter des malades contagieux et en étudiant des maladies dangereuses ne montre pas plus de courage moral que le premier sabreur venu qu’on loue en raison du nombre de gens qu’il a tués, comme les Dayaks des Indes orientales respectent le plus le guerrier qui peut montrer le plus grand nombre de crânes d’ennemis décapités de sa main. Le patriotisme ne rapporte-t-il pas régulièrement leurs surnoms : le Grand, le Glorieux, etc., à la manière dont ils se sont distingués sur le champ de bataille ? Ne parle-t-on pas de « guerres saintes », de « devoirs nationaux » et de pareilles choses avec lesquelles on égare la raison des peuples ?

Dans tous les pays, le roi est soldat en premier lieu. À peine un petit prince sait-il se tenir sur ses jambes qu’il est bombardé lieutenant et il semble naturel que tous les princes soient chefs d’armée ou de flotte. L’idéal de l’empereur Guillaume II est d’avoir dix fils et de faire de chacun le chef d’un des grands corps d’armée. Pourquoi les princes se montrent-ils en toute occasion en costume militaire ? Pourquoi ouvrent-ils les sessions parlementaires revêtus de l’uniforme de général de hussards ou chefs d’infanterie ? N’est-ce pas pour bien montrer aux parlements qu’en cas de besoin ils se moqueront bien des décisions parlementaires et que l’épée, une fois tirée, pèse plus que cent discours ? Le président de