Page:Domela Nieuwenhuis - Le Militarisme.djvu/16

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B. (examinant le sabre). — Oui, pour sûr qu’il est heureux que nous soyons des chrétiens. Le christianisme, c’est l’amour et la paix. Donc je vais par bienséance me procurer aussi un sabre. Une trique, c’est après tout un peu... païen.

Encore quelque temps après :

A. — Eh ! voisin, viens donc voir : Tiens, j’ai un fusil. C’est infiniment plus efficace qu’un sabre. Pourtant je le garde... puisque nos relations sont si pacifiques. Mais je prends le fusil avec.

B. (examinant le fusil). — Bon ! je vais acheter aussi un fusil.

Rentré chez lui, B. dit à sa femme :

— Donne-moi quelques francs pour un fusil.

La femme. — Es-tu fou ? Un fusil ? Je n’ai pas de quoi acheter des habits pour les petits.

B. — Eh ! emprunte un peu d’argent !

La femme. — Je ne peux plus me défaire de rien pour le donner comme gage.

B. — Nos enfants deviennent plus grands et plus forts. Ils payeront bien la dette que nous faisons et ils céderont une partie du fruit de leur travail pour payer les intérêts.

Les enfants crient : Nous avons si faim !

B. — Taisez-vous ! Je ne peux souffrir le mécontentement. J’aime la liberté et à chacun de vous je permets d’avoir faim tant qu’il lui plaira, pourvu qu’il ne commence pas à devenir mécontent.

La mère et les enfants se mettent à pleurer et, par pur amour de la paix, il leur est administré une bonne raclée.

Et cela continue ainsi entre les deux voisins.

Ils arment quelques-uns de leurs enfants afin de pouvoir mieux vivre en paix ensemble et pour faire passer à tabac les autres enfants et les faire fusiller par leurs frères armés, quand la misère les pousse à se révolter contre l’autorité paternelle. Ainsi les divers ménages continuent à vivre une vie de misère.

Toujours on achète de nouvelles armes pour lesquelles on trouve toujours l’argent nécessaire, mais