Aller au contenu

Page:Domela Nieuwenhuis - Le Militarisme.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux affamés on refuse du pain. Chaque année, les voisins viennent se donner mutuellement l’assurance qu’il y a entre eux parfaite entente et que la paix ne court aucun risque d’être troublée.

Que dirait-on de voisins qui agissent de telle sorte ?

Ou bien on les enfermerait dans une maison de santé, ou bien on les mettrait en prison, pour maltraiter leurs enfants.

Et pourtant les rapports entre les puissances sont de fait exactement les mêmes. Chaque année, les peuples dégustent des discours semblables prononcés avec un front d’airain dans les parlements et les gouvernements traitent les peuples juste de la même façon que les voisins traitent leurs enfants.

Déjà, il y a cent cinquante-neuf ans, Montesquieu écrivait les paroles suivantes qui sont vraies aujourd’hui encore et d’une actualité comme s’il les avait écrites hier :

« Une maladie nouvelle s’est répandue en Europe ; elle a saisi nos princes et leur fait entretenir un nombre désordonné de troupes. Elle a ses redoublements et elle devient nécessairement contagieuse, car sitôt qu’un État augmente ce qu’il appelle ses troupes, les autres soudain augmentent les leurs ; de façon qu’on ne gagne rien par là que la ruine commune. Chaque monarque tient sur pied toutes les armées qu’il pourrait avoir si les peuples étaient en danger d’être exterminés ; et on nomme paix cet état d’effort de tous contre tous. Aussi l’Europe est-elle si ruinée que les particuliers qui seraient dans la position où sont les trois puissances de cette partie du monde les plus opulentes n’auraient pas de quoi vivre. Nous sommes pauvres avec les richesses et le commerce de tout l’univers et bientôt, à force d’avoir des soldats, nous n’aurons plus que des soldats, et nous serons comme les Tartares. La suite d’une telle situation est l’augmentation perpétuelle des tributs, et, ce qui prévient tous les remèdes, on ne compte plus avec les revenus, mais on fait la guerre avec son capital. N’est-il pas vrai de voir des États hypothéquer leurs fonds pendant la paix même et employer,