Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/100

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Que l’organe pourtant ne soit point négligé.
Cet utile ressort veut être dirigé.
La nature le donne, et l’art sait le conduire,
L’affoiblir ou l’enfler, l’étendre ou le réduire.
Insinuant et doux, quand il faut demander,
Terrible et véhément, quand il faut commander ;
Sourd dans le désespoir, sonore dans la joie,
Tantôt il se renferme et tantôt se déploie.
Le ton est tyrannique ; il s’y faut asservir ;
Mais les inflexions doivent vous obéir.
Selon que l’ame souffre ou que l’ame est contente,
L’inflexion doit suivre ou vive ou gémissante.
Des sons autour de nous éclatent vainement ;
Leur plus douce magie est dans le sentiment :
Le sentiment fait tout, c’est lui qui me réveille,
Par lui l’ame est admise au plaisir de l’oreille ;
Et je place l’acteur, privé d’un si beau don,
Au-dessous du fluteur instruit par Vaucanson.
Notre goût, plus superbe avec plus de justesse,
De nos récitatifs accuse la tristesse ;
Ces modulations, dont le refrein glacé
Semble un hymne funebre au sommeil adressé.
Le vrai récitatif, sans appareil frivole,
Doit marcher, doit voler, ainsi que la parole.
Pour lier l’action ce langage est formé,
Et veut être chanté, bien moins que déclamé.