Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/101

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Pourquoi donc tous ces cris, ces inflexions lourdes,
Ces accens prolongés sur des syllabes sourdes,
Ces froids glapissemens, qu’on se plaît à filer ?
Cessez de m’étourdir, quand il faut me parler.
Quittez cet attirail, cette insipide emphase,
L’écueil de notre chant, loin d’en être la base ;
Et ne vous piquez plus du fol entêtement
D’endormir le public mélodieusement.
La célebre Le Maure, honneur de votre scene,
Asservissoit Euterpe aux loix de Melpomene.
Elle phrasoit son chant, sans jamais le charger :
Ce qui languissoit trop, elle osoit l’abréger.
Ce long récitatif, où l’auditeur sommeille,
Fixoit l’esprit alors, en caressant l’oreille ;
Et le drame lyrique, aujourd’hui si traînant,
Avec légéreté couroit au dénoûment.
Réservez, réservez la pompe musicale,
Pour ces morceaux marqués, où l’organe s’étale,
Où l’ame enfin s’échappe en sons plus véhémens,
Et donne un libre essor à tous ses sentimens.
Mais parmi les écarts d’une voix moins timide,
Que le motif de l’air soit toujours votre guide.
C’est ainsi qu’un sculpteur, à qui l’art est connu,
Sous le voile toujours fait soupçonner le nu.
Dans ce fracas lyrique, et ce brillant délire,
Par un maintien forcé n’apprêtez point à rire.