Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA TRAGÉDIE

CHANT PREMIER


 
Peintre de la raison, toi, qui sur le Parnasse,
Es l’oracle du goût, et le rival d’Horace ;
Dans l’art brillant des vers ta voix sut nous former.
Ma main trace aujourd’hui l’art de les déclamer.
Vous, qui voulez enfin sortir de vos ténebres,
Et ceindre le laurier des actrices celebres,
Renfermez ce desir, gardez de vous hâter :
Connoissez le théatre, avant que d’y monter.
Il faut, il faut long-tems, plus prudente et plus sage,
Faire encor de votre art l’obscur apprentissage,
Et pour vous épargner un triste repentir,
Consulter la raison, et penser, et sentir.
Dans ses jeux instructifs la fable respectée
Nous vante les talens du mobile Prothée,
Qui, possesseur adroit d’innombrables secrets,
Changeoit, en se jouant, sa figure et ses traits ;
Tantôt, aigle-superbe, affrontoit le tonnerre ;
Tantôt, reptile impur, se traînoit sur la terre ;