Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/77

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Pour cueillir quelques fleurs à travers mille épines,
As-tu reçu des cieux ce naturel plaisant,
Cet art, cet heureux don, le don d’être amusant,
La volubilité d’un organe mobile,
Un corps alerte et souple, un esprit versatile ?

Voit-on étinceler dans ton regard mutin,
Et l’amour de l’intrigue, et la soif du butin,
La trahison, l’adresse, et cette effronterie,
Dont l’intrépidité sied à la fourberie ?
Quelquefois un valet, novice dans son art,
De la publique joie ose prendre sa part ;
Et ne sachant sur lui garder aucun empire,
Rit de ce qu’il a dit, ou de ce qu’il va dire.
C’est usurper nos droits : le jaloux spectateur
S’attriste avec raison du plaisir de l’acteur.
Le personnage seul nous plaît et nous étonne ;
Tout le charme est détruit, dès qu’on voit la personne.
Ne te livre jamais à ce rire empesé,
Et sache être amusant, sans paroître amusé.
Loin cependant l’acteur que son talent ennuie ;
Il doit être chassé de la cour de Thalie.
C’est un hibou qui vient, sous des berceaux naissans,
Effrayer Philomele, et troubler ses accens.
L’ingénieux Armand, ce Nestor du théatre,
Oublié par le tems, étoit encor folâtre.

Que j’aimois son adresse et sa naïveté !