Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/87

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Nuancer tous ses tons, varier sa figure,
Rendre l’art naturel, et parer la nature.

Lise, avec un œil morne, un air digne et hautain,
Et les traits alongés d’un visage romain,
A ceint le tablier de Rose ou de Justine.
Froidement minaudiere, elle croit être fine.
D’abord qu’elle paroît, on se sent attristé,
On ne partage point sa pénible gaîté :
Elle parcourt sans grace un cercle monotone ;
Son rire grimacier n’en impose à personne :
Quand l’automate agit, le spectateur galant
Applaudit au ressort, mais non pas au talent.
Paris, à chaque pas, nous offre cent coquettes,
Ivres d’un fol encens, volages, indiscrettes.
Ô vous, qui sous leurs traits voulez nous enflammer,
À jouer leurs travers, l’art seul peut vous former.
Attendez que le tems, maître tardif et sage,
Du monde et des plaisirs vous ait appris l’usage :
Saisissez la saison de la maturité,
Ce moment dangereux, le soir de la beauté.
Pour nous fixer alors il est mille artifices,
Et le jeu des vapeurs et celui des caprices.
D’un geste ou d’un souris combinez la valeur :
Commandez à vos yeux de feindre la douleur,
Le plaisir, le dédain, et la mélancolie,
La raison quelquefois, et souvent la folie ;