l’inspiration
seule révèle à chaque poète, et pour
chacun de ses poèmes. Ceux-là, que nul ne saurait
vous enseigner par principes, je voudrais, du moins,
vous en faire sentir la présence et l’action dans cette
première causerie, afin de mieux circonscrire mon sujet
pour les suivantes, et de vous donner dès aujourd’hui,
fût-ce encore par un seul exemple, une idée de ce que
devrait être un « art des vers » intégral, s’il était possible
à quelqu’un de l’écrire.
Ne cherchons pas un autre texte que nos deux strophes
de tout à l’heure, et relisons-les ensemble pour
tâcher, cette fois, de saisir les raisons de l’enchantement
extraordinaire qui en émane et qu’aucune prose,
en si peu de mots et en si peu de lignes, ne serait
capable de nous procurer jamais.
Déjà, dès après la première lecture, nous nous rendons
compte, au moins vaguement, que le pouvoir
exceptionnel de ce langage est dû à une musicalité
supérieure à celle de la prose, je veux dire à une certaine
symétrie de cadences, à un certain battement
régulier du rythme, qui le rapproche de la mesure
musicale. Et parce qu’il participe des mêmes causes,
le vers participe des mêmes effets. La prose exprime
entièrement et suggère à peine; la musique exprime
à peine et suggère infiniment : le vers, lui, à tout le
pouvoir d’expression des mots, peut joindre, dans une
certaine mesure, le pouvoir de suggestion des notes,
l’égaler même quelquefois. Lui seul est à la fois pensée
et mélodie. Aucun langage humain ne le surpasse.
Si, ayant senti cette régularité rythmique du vers,
nous commençons à en faire l’analyse, nous nous rendons compte aisément qu’elle consiste en un nombre
limité de syllabes dans chaque vers, en un partage
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