symétrique de ces syllabes dans l’intérieur du vers,
et en un retour des mêmes sons à la fin de deux vers
qui se correspondent : numération, césure et rimes,
dont les lois sont tout l’objet de la versification, du
métier des vers.
Mais on peut supposer le même sujet traité par
un autre auteur, jeté dans le même moule de strophe
en des vers aussi correctement soumis à toutes ces
règles de la prosodie que le sont ceux de Victor Hugo,
sans qu’à aucun degré, pourtant, l’émotion poétique
ne naisse. Et c’est ici que le mystère commence, ou,
plutôt, l’impossibilité de formuler des règles qui permettraient
à quiconque les observerait en ses vers de
faire, par cela seul, naître cette émotion. Tout ce que
nous pouvons, c’est essayer de retrouver les voies
secrètes qu’un instinct mystérieux, à peine contrôlé
par une volonté consciente, a fait suivre au génie pour
en arriver où il nous mène. Essayons.
Et, d’abord, est-ce par la rareté, par l’inattendu
des vocables qu’il cherche à nous ébranler les sens
et la pensée ? Non, j’ai dit qu’il employait ici les mots
les plus courants de la langue. Il sait, il est vrai, que
ce sont précisément ceux-là qui peuvent, grâce à la
magie du rythme, reprendre leur signification la plus
vaste.
Est-ce par la hardiesse des coupes dans le vers, par
cette désarticulation apparente dont il a su tirer
ailleurs de si extraordinaires effets ? Non, car pour
exprimer ici cette sorte de respiration universelle, il
lui faut un rythme aussi simple que le battement d’un
coeur, que le soulèvement et l’abaissement d’une poitrine.
Et il s’en tient donc aux coupes les plus classiques.
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