Page:Dorchain - L’Art des vers, 1921.djvu/24

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confondues de deux encensoirs, vers Celui dont, par un suprême artifice, il retarde encore de dire le nom jusque dans le dernier vers même, afin que, de ce dernier vers, ce nom soit le dernier mot, comme il est, à ses yeux, le dernier mot de la création et de l’humanité :

Et les flots bleus, que rien ne gouverne et n’arrête,
Disaient, en recourbant l’écume de leur crête :
   — C’est le Seigneur, le Seigneur Dieu !

Tel est le mystère du génie. Aucun chemin tracé sur une carte, et que je puisse vous montrer du doigt, ne mène à de pareilles cimes. On peut voir seulement après coup, je le répète, par quelle route le poète est passé pour nous y conduire, guidé par une logique transcendante et qui se joue des ordinaires procédés logiques. C’est un de ces itinéraires que je viens de parcourir avec vous sur les pas d’un grand maître. Si vous m’y avez suivi jusqu’au bout avec attention, il me semble que déjà vous aurez avancé quelque peu, non dans la connaissance, mais dans l'amour de l’art des vers et dans le désir d’en entreprendre l’étude. Et, moi-même, je me sentirais un peu rassuré à la pensée que cette partie mystérieuse de notre art dont je ne pourrai vous instruire par des préceptes, je saurai peut-être, du moins, vous en communiquer l’intuition par des exemples, si vous conveniez que, par celui-ci, j’ai déjà commencé de le faire.