Page:Dorchain - L’Art des vers, 1921.djvu/29

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raison; et, quand la raison sera venue, il s’attachera à elle aussitôt par le rapport secret que cet art aura mis entre la raison et lui. »

Et Pindare a dit en une de ses odes : « La Poésie fait la paix dans le coeur de l’homme et dans le monde. Elle désarme Arès et éteint le feu du ciel ; elle endort l’aigle même sur l’égide de Zeus, que baigne un nuage d’harmonie. » Magnifique image de cette vertu pacifiante de la Poésie qui fait de l’amour jusques avec de la haine, et du calme jusques avec de la colère, en les ordonnant par la vertu d’une harmonieuse cadence. Et c’est encore un parfait symbole de la Poésie éducatrice et pacifiante, que ce temple d’Éphèse évoqué par Victor Hugo dans son poème des Sept Merveilles du Monde :

Moi, le temple, je suis législateur d’Éphèse;
Le peuple, en me voyant, comprend l’ordre et s’apaise;
Mes degrés sont les mots d’un code ; mon fronton
Pense comme Thalès, parle comme Platon;
Mon portique serein, pour l’âme qui sait lire,
A la vibration pensive d’une lyre;
Mon péristyle semble un précepte des deux;
Toute loi vraie étant un rythme harmonieux,
Nul homme ne me voit sans qu’un dieu l’avertisse;
Mon austère équilibre enseigne la Justice;
Je suis la vérité bâtie en marbre blanc;
Le beau, c’est, ô mortels, le vrai plus ressemblant;
Ycnez donc à moi, foule, et, sur mes saintes marches,
Mêlez vos coeurs, Jetez vos lois, posez vos arches :
Hommes, devenez tous frères en admirant !...

Dans ces vers profonds et superbes, le beau n’est pas seulement devenu le vrai, il est devenu le bien; il s’est transmué en justice, en fraternité, en amour.
Oui, les chefs-d’oeuvre sont les vrais éducateurs des peuples; leurs plus vrais législateurs, ce sont, et surtout ce devraient être leurs poètes, en qui l’on