Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/116

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Ce fut précisément une de ces grandes revues (il en recevait de surprenantes, qu’on ne devait imprimer que pour lui et dont le seul nom effarait le vaguemestre, facteur dans le civil) ce fut donc la Centurie, ou le Miroir de Diane qui lui valut le filon de cycliste. On l’avait remise par erreur au capitaine avec son courrier. Désœuvré, il la lut, goûta de petites critiques venimeuses où des jeunes gens mal intentionnés déchiraient d’autres poètes qui, paraît-il, étaient célèbres dans leur quartier, et tomba sur un sonnet signé Jean de Crécy-Gonzalve. Comme il ne pouvait pas exister deux chrétiens accablés sous ce nom-là, il pensa avec une certaine satisfaction :

— Tiens, mais, c’est mon lascar au monocle. Déjà favorablement disposé, il lut.

La chose s’intitulait « Prémices » et dès le premier quatrain, le sujet était nettement posé, comme une question de devinette :

Viens. Un palingénésique
Vin fermente en la sotie,
L’ésotérique musique
Est celle d’Erik Satie.

L’officier fronça les sourcils, ce qui, paraît-il, aide à comprendre, et déchiffra jusqu’au bout. Puis sans prendre nettement parti, il conclut :

« C’est un garçon qui sait beaucoup de choses ; » et il regretta de n’avoir pas de dictionnaire dans sa cantine pour y chercher la signification du mot « abstème », qui l’avait particulièrement intrigué.