colonel s’inquiétait, le téléphone coupé ne lui répondant plus.
Comme il se tenait, fiévreux, à l’entrée de son gourbi, passant sa colère à coups de canne sur les sacs d’un pare-éclats, et grommelant « Saligauds de Boches. Ah ! je vais leur foutre une de ces contre-attaques… » il vit arriver, léger comme une autruche et galant comme un épouseux, le jeune Jean de Crécy-Gonzalve dont la seule vue, en temps ordinaire, l’agaçait déjà prodigieusement. Le poète jugeant l’instant propice, avait mis son monocle.
Il s’arrêta à quatre pas, fit claquer les talons, main droite à la bourguignotte et il dit d’une voix exquise :
— Mon colonel, messieurs les Allemands ont attaqué nos lignes à la pointe du jour.
— Messieurs les Allemands, ah, messieurs les Allemands ! éclata le colonel cramoisi. Eh bien, vous allez retourner les voir, messieurs les Allemands.
Décontenancé, vaguement inquiet, Jean de Crécy-Gonzalve rejoignit sa compagnie.
Le soir, au cantonnement, il apprit qu’il était relevé, le colonel n’ayant aucun goût pour les politesses à la Fontenoy et ne tenant pas à posséder un comte d’Auteroche parmi ses agents de liaison. Et passant à son successeur son vélo rouillé aux pneus à plat, Jean de Crécy-Gonzalve reprit tristement le Lebel, le sac orné d’une gamelle, sa pelle-bêche, sa couverture en fer à cheval et tout ce qui faisait l’attrait du soldat de la