Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/138

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de bois sec. À chaque coup de téléphone qui lui parvenait, le général gémissait :

— Ah ! mon pauvre régiment ! mon pauvre régiment ! Ils ont déjà repris la moitié du bois ?.. Ne pourraient-ils pas enlever le reste ?

Les Allemands avaient hâtivement déroulé de hauts treillages, cloués aux arbres, et c’était, devant chaque « cage à poules », un arrêt meurtrier. Il fallait cisailler le fil de fer sous le feu, arracher chaque grillage à coups de pétards, et, dans les boyaux hérissés de chevaux de frise, c’était encore la tuerie. L’entrée de la mine reprise, il fallut s’arrêter… Les Boches solidement retranchés gardaient la première ligne.

— Ah ! c’est dommage, c’est bien dommage, disait le général en remontant dans son auto… Avec un peu de bonne volonté, je suis sûr qu’ils auraient pu faire mieux.

En avant de la tranchée que nous tenions, des camarades étaient restés couchés et, jusqu’à la relève, nous avons entendu Roubion, notre caporal, nous appeler plaintivement, la tête posée sur le parapet boche : il avait déboutonné sa capote, pour chercher sa blessure, et l’on eût dit que, mourant, le pauvre gars continuait à se gratter.



On nous a mis au repos, pour récompense, dans un bourg bien achalandé, où la musique donnait tous les jours un concert sur la place de l’Église. L’État-Major de la division se trou-