Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/24

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ments, oui ou m… ? Je veux partir, sacré n… de D… !

— Oui, nous voulons partir, répète d’une voix menue le petit créole que la foule a poussé jusque sur le perron.

Et tous reprennent fougueusement ce cri, comme si leurs voix unies devaient forcer les portes :

— Partir ! partir…

Le lieutenant, qui semble le prisonnier de toutes ces faces écarlates, attend que le tumulte cesse. Puis il nous crie :

— Nous recevons d’abord les étrangers qui veulent contracter un engagement dans la Légion pour la durée de la guerre… Ceux qui sont dans ce cas peuvent s’inscrire immédiatement pour la visite médicale.

— Et nous ? Et les Français ? hurle-t-on de toute part.

— Les Français qui veulent servir dans la Légion étrangère peuvent le faire en contractant un engagement de quatre ans, répond l’officier d’une voix cassée. Les étrangers seuls sont admis pour la durée de la guerre.

Une clameur plus violente couvre ses paroles. Cent questions se confondent, qu’on n’entend pas. À bout de colère, le rougeaud a foncé dans la cohue, la tête et les poings en avant.

— Tant pis ! vocifère-t-il. J’en ai marre d’attendre, j’en prends pour quatre ans…

Son gros corps tourne dans la mêlée. Pressé, poussé, écrasé, il se hisse enfin sur le perron.