Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/38

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traient leurs mollets à tout le monde, n’ayant pas plus de pudeur que les bêtes.

Mais son succès, son triomphe, sa grande scène, c’était quand il s’attaquait à la femme du boucher. Fulminant, agitant ses bras en surplis comme deux ailes de lin empesé, il semblait appeler la malédiction céleste sur la tête baissée de la grosse fille toujours assise au pied de la chaire.

C’est elle qu’il accusait d’avoir perverti la paroisse, donnant à ses compagnes l’exemple pernicieux de ses toilettes immodestes et de ses mœurs dissolues. Il ne la nommait pas, mais ses allusions, ses gestes, ses regards courroucés, tout la désignait. Moins clément que Jésus et que le boucher lui-même, il ne pardonnait pas à la femme adultère, et il s’étonnait de ne l’avoir pas encore chassée de la Maison du Bon Dieu. Tournant parfois vers nous un visage empourpré où se lisaient la colère et l’horreur, il nous criait :

— Prenez garde, soldats, quand vous rencontrerez cette sirène sur votre route ! Elle vous pourrirait non seulement l’âme, mais le corps aussi… En vérité, je vous le dis, c’est le fumier de Job sous la robe de Laïs.

Les copains, intéressés, recueillaient ces bonnes paroles avec des mines attentives.

— Bath ! s’écriaient-ils enfin, suffisamment renseignés sur les ressources de l’endroit, y a des poules qui marchent dans le patelin.

Et quand la bouchère sortait, plutôt fière d’avoir eu les honneurs du prêche, des regards égrillards lui faisaient escorte, déshabillant ce