Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/40

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est dehors, près de la grange, et vous sauterez par-dessus le mur : ma fenêtre restera ouverte. Mais surtout… si l’échelle y était déjà (et elle baissait alors la tête d’un air gêné)… il ne faudrait pas venir. Ça m’ennuie de vous le dire, mais voilà… j’aurai peut-être un commandant qui viendra avant vous.

C’était une vraie malchance : quand l’amoureux arrivait à pas de loup, l’échelle y était toujours. Le Roméo en godillots attendait une heure ou deux, le sang en folie, puis comme le commandant ne se décidait pas à sortir, il finissait par s’en aller, rageant à blanc, déçu, mauvais, maudissant la « poule » et la « tête cerclée ».

Eh bien ! je l’ai prise sur le fait, moi, la femme du boucher. Ce n’était pas le commandant, c’était elle, elle toute seule qui, à la nuit tombante, allait poser l’échelle derrière la grange pour que ses amoureux n’osent pas venir. Et, perdue de réputation, déshonorée, la vertueuse épouse dormait sagement dans son grand lit, mieux gardée par son échelle que par un chien loup.



Je n’ai jamais fait la cour à la femme du boucher, ni à son amie la petite brune, qui vendait du vin de teinturier et du fromage en plâtre, ni à la blanchisseuse de Savy-Berlette, qui vous rendait en sourires ce qu’elle vous perdait comme linge.

Je n’étais pas plus bégueule qu’un autre, mais je savais d’avance le résultat : quand on avait