Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dant que je courais au cantonnement où j’espérais le rejoindre, il arriva chez la blanchisseuse pour reprendre son barda.

— C’est point la peine, lui dit la vieille avec un air satisfait… Je me suis arrangée avec monsieur le curé.

Mon sauvage ouvrit des yeux surpris.

— Qui ça, le curé ?…

— Bien m’sieur le curé, quoi, votre ami… On l’a bien vu tout de suite : il n’a point de barbe…

Alors, Lousteau poussa un hurlement de joie et brandit son bâton en faisant un pas de danse.

— Lui, curé, s’exclama-t-il. Ah ! laissez-moi me marrer… Il est chanteur de café-concert !…

Ce qui s’ensuivit fut indigne. Je ne fus jamais insulté, je crois, comme ce jour-là, et je le rendis bien à Lousteau, qui nous fit manger dans une écurie, assis sur une brouette, la gamelle sur les genoux.

Cependant, cette mésaventure ne suffit pas à me faire aimer la barbe et il fallut, pour que je renonce à ma lèvre rasée, un ordre formel de Joffre lui-même, qui flétrissait les hommes glabres, glorifiait la moustache — cet attribut bien français — et ordonnait à tous ses soldats de la porter.



Lousteau, lui, n’eut jamais d’ennuis pour sa barbe hirsute — jusqu’au jour où le port du masque le contraignit à se faire raser — mais ses cheveux, par exemple, lui causèrent bien du