Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/68

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pour se mettre dans les oreilles ? Ces péquants-là, ça ne pense qu’à en écraser…

Je n’ai pas pris la veille avec Hamel, cette nuit, il ne pourra pas me raconter la suite de ses amours avec la Louise, une fille qui ne saura jamais que je la connais si bien, et que je pourrais même dire, sans risquer de me tromper, où se trouve son petit signe, un coquin de grain de café posé sur le gras de sa cuisse. Tant pis ; le temps aurait passé plus vite…

Presque toute l’escouade est partie en corvée — pour des sacs à terre, des torpilles, des tôles ondulées — et j’ai six heures à passer au créneau, jusqu’au petit jour. J’aime encore mieux cela. Si j’étais allé avec eux, ils m’auraient, comme toujours, laissé la plus mauvaise charge, on se serait certainement arrangé pour me faire désigner aux tôles, en me donnant comme équipier Landry, qui ne tient pas debout. Cela les aurait fait rire… Leur joie, c’est de me voir piocher, avec des mouvements maladroits, pelleter, le front en sueur, sans jamais parvenir à jeter la terre hors du trou.

— Ça le dresse… Ça leur-z-y apprend ce que c’est que marner, aux gars qu’ont jamais rien foutu…

J’ai deux camarades à l’escouade, dont le cabot. Je sens que les autres doivent me détester. Ils ne me pardonnent pas d’avoir un peu d’argent et de recevoir les plus gros colis, ces gros colis que naguère je partageais naïvement avec eux. Je croyais que Landry, au moins, était un