Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/67

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Déjà naissent les étoiles, clignotantes et pâles. La belle eau verte du ciel semble refléter mille fusées dans sa vasque mélancolique. La guerre… Est-ce vraiment la guerre ? Peut-on vraiment mourir ?…

La lune monte, derrière les branches, ne laissant voir encore qu’un mince filet d’or, comme il en glisse sous les portes heureuses. L’ombre entasse les choses sous sa housse noire.

Lourdement, trainant leur fusil, les hommes sortent des cagnas pour prendre la veille. Les armes glissent sans bruit dans les créneaux. Des voix chuchotent. On entend les pas d’une corvée qui s’éloigne, un brimbalement de plats… Sous une caponnière, ouverte comme un four noir, les mitrailleurs essaient leur pièce, qui grince quand on l’arme, et claque…

— Tas d’enfifrés ! grogne un homme… Et les Boches qui entendent.

Enfin tout se tait. Chacun a pris sa place, choisi son coin. Silence… On n’entend plus que les grenouilles.

Penché, sur son créneau, on regarde parfois, fronçant les sourcils, comme si nous espérions vraiment découvrir quelque chose : des stoss-troupes rampant dans l’herbe ou une patrouille de feldwebel en tenue de parade. Est-on resté assez crédule ! Depuis le temps, cependant, nous devrions savoir qu’il ne se passe jamais rien.

Un camarade ronfle, tout près, dans son terrier.

— Et celui-là, grogne à nouveau mon voisin… Ce qu’il croit que les Fritz touchent du coton