Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/75

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petites goulées. Puis, de la même voix étouffée, il reprend son histoire.

— La guerre, c’est de ne pas se rendre compte, de ne jamais savoir si c’est un paquet recommandé qui va t’arriver ou une torpille sur le coin de la gueule… Tiens, moi, c’est une fois que je croyais ramasser trente jours de grosse que j’ai dégoté le plus bath filon de tout… C’est pendant que j’étais au dépôt, avant de retourner au rif.

« Je venais de me couler trois mois d’hôpital, après ma blessure, parce que j’avais eu un commencement de méningite cérébro-spinale. Une veine, quoi… Alors, un matin, comme on buvait le coup à la cantine, il y a le fourrier qui vient nous dire qu’il est arrivé une note au burlingue et que les gars qu’ont assez d’instruction, même s’ils ne sont pas gradés, ils peuvent demander à suivre les cours d’officiers.

— C’est une affaire, que je dis. Je vas me faire inscrire.

« Je disais ça pour rigoler, hein, mais les autres ils se mettent à se foutre de moi, alors je leur dis que, sans en avoir l’air, j’en sais plus que des juteux qui ont passé lieutenant, que j’ai mon certificat d’études et que je pourrais bien demander si je voulais.

— Chiche ! qu’ils me disent.

— Chiche ! que je réponds. Je parie une tournée…

« Et je bagotte tout de suite au bureau. J’étais déjà dégonflé, hein, mais tout de suite, j’annonce la couleur :