Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

douce. Je pouvais sortir à l’heure que je voulais, personne ne me disait rien à la grille, j’aurais pissé au milieu du poste qu’ils ne m’auraient pas demandé de l’essuyer. Seulement, moi, au lieu de ne pas l’ouvrir, j’ai débiné le truc pour crâner, et quand je suis retourné à la visite au bout d’un mois le major m’a dit :

— Ah ! vous ne demandez plus à passer officier, maintenant… Eh bien, apte !

« On m’a inscrit en tête de liste et le lundi d’après je partais en renfort. Ce qui prouve que quand t’as un filon, il vaut mieux la boucler et te tenir peinard, sans ça, les copains sont jaloux et tu finis toujours par te faire débusquer.

« Moi, si j’avais mon coup à refaire, je me relèverais la nuit en gueulant, je me baladerais à poil dans la cour du quartier, j’embrasserais les poules dans la rue, et je te jure que pour en trouver un plus piqué que moi, ça serait toujours midi sonné… »

Il se tait, tout à ses vains regrets, et il soupire :

— Trop tard…

Dans les lignes allemandes, on entend nettement un roulement de camions sur une route. Puis, tout près, dans le bois, des tintements d’outils, comme une relève…

Un rossignol s’est mis à chanter éperdument. Silencieux, le bois l’écoute…

Les étoiles commencent à fondre, dans le ciel qui s’éclaire. On dirait que la nuit est d’un bleu moins sombre.

Un geai lance son cri hargneux, puis ce sont les merles qui s’éveillent, les pinsons, et voici