Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/87

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— C’est là.

— T’es sûr ? insista Lousteau méfiant.

— Je vois la nuit comme le jour… Venez.

Et sans hésiter, en droite ligne, il conduisit la patrouille dans les fils de fer boches, où quatre coups de mauser les accueillirent, tirés à bout portant.

Comment revinrent-ils vivants de ce guêpier, c’est un de ces miracles quotidiens de la guerre. Mais la réputation de débrouillard de Maroux souffrit beaucoup de l’aventure.

Lousteau, de ce jour-là, le prit comme tête de Turc, et quand il n’avait personne sur qui passer son indignation perpétuelle, c’est à Maroux qu’il s’en prenait : « Braconnier comme mes fesses, contrebandier à la noix et porte-bannière d’office à la procession des bourreurs. »

L’autre ne semblait pas s’en émouvoir.

Pour avoir sa revanche et retrouver sa popularité, il promit de régaler l’escouade et voulut prendre des lapins au collet.

Quinze jours durant, on ne vit plus que lui tressant des pièges ingénieux avec du fil téléphonique. Il en posait partout et en seconde ligne, autour de la cagna, éclataient chaque nuit des hurlements sauvages d’hommes de corvée qui, le pied pris dans un collet de Maroux, s’étalaient le nez en avant, leur rata renversé et le vin dans la boue.

Lousteau, qui prenait des lapins à tout moment ; devint alors nettement injurieux et fit au braconnier une vie intenable. Maroux se consola en prenant sous sa protection des gosses de