Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/16

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garni de dentelles, qui laissait voir par son ouverture son large derrière garance. Il avait endossé une sorte de matinée blanche, et, sur sa tête hérissée de charbonnier, il avait posé de travers une couronne de mariée, à l’oranger un peu jauni : la couronne de la notairesse qui dormait sous un globe. Lemoine, qui ne riait pas, avait plutôt l’air soucieux d’un militaire en service commandé, s’était contenté d’un jupon écossais, tenue sans façon dont il corrigeait le regrettable laisser-aller par une redingote à revers de satin et un solennel chapeau haut de forme préalablement brossé à rebrousse-poil.

Le petit Broucke, émerveillé, gambadait derrière eux comme à la ducasse.

— J’vo à la noce, criait-il.

Tous, chantant et beuglant, se mirent à danser, accompagnés par Fouillard, qui croyait faire de la musique en cognant avec une poignée de baïonnette sur le fond noir de son chaudron.

— Vive la mariée ! reprenions-nous en chœur.

La maigre figure de Bréval était élargie par un rire bienheureux. Pourtant, il cherchait à nous apaiser.

— Pas si fort, bon Dieu, un officier va nous entendre…

Vairon avait pris Sulphart par la taille et dansait une java, avec des grâces de bal musette, tandis que Lemoine, se croyant à la fête du pays, exécutait des ailes de pigeon en faisant claquer ses talons cloutés.

— Et la fête continue, vive M. le maire ! braillait le cuistot, qui essayait en vain de laver ses mains noires en les frottant sur son front en sueur.

Ils sautillaient l’un derrière l’autre, en farandole,