Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/162

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Tandis que les premiers guetteurs, s’accoudant au parapet, prenaient la veille, notre section reflua sur l’autre versant du mont pour s’installer.

Un régiment de mineurs – des gars du Nord tristes et violents – avait creusé là une sorte de casemate dont l’entrée donnait sur nos lignes et les créneaux sur le bois boche. Elle comprenait une galerie assez haute, solidement étayée, flanquée à droite et à gauche d’étroits réduits, garnis de vieille paille et de journaux. Les premiers arrivés s’y jetèrent en braillant, repoussant les autres des poings et des pieds, et ce fut dans le demi-jour d’une bougie tremblotante une brusque bousculade, un tohu-bohu furieux de cris et de jurons. Sans mal, Berthier rétablit l’ordre :

— Allons, pas de pagaille, pas de dispute, ça ne sert à rien… Tout le monde aura de la place.

Avec sa lampe électrique, il fouillait les coins sombres et logeait posément les hommes. Les soldats, derrière lui, attendaient bien sages, comme des enfants que case le maître, et personne ne criait plus, pour ne pas l’ennuyer. On acceptait le coin désigné et l’on se nichait.

Bréval, en déroulant sa couverture, faisait des trouvailles dans la paille : « Un journal de chez nous ! s’écria-t-il joyeusement… Je vais lire au lit, comme dans le temps… »

Nous étions quatre dans notre soupente, bien serrés, le ceinturon défait et les molletières dénouées. Broucke avait même retiré ses chaussures et ronflait déjà, tandis que le petit Belin fabriquait avec un bout de barbelé un bougeoir ingénieux, dont la lumière ne se verrait pas du dehors.