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NOTRE-DAME DES BIFFINS


La grand’route grouillait, bruyante et noire, comme une galerie de mine où l’on aurait soudain éteint les lampes, à l’heure de la remontée. Toute une foule obscure qu’on ne voyait pas, mais qu’on sentait vivre, luttait dans cette nuit d’encre, chaque troupe forant son chemin, et de cette cohue montait une rumeur de piétinements, de voix, de grincements de roue, de hennissements, d’injures, tout cela confondu, mêlé comme se mêlaient les champs, la route et les hommes dans la même ombre épaisse.

Cependant, il y avait de l’ordre dans cette cohue. Les territoriaux revenant à l’arrière, nos régiments montant en ligne, les voitures, les caissons, tout avait son chemin ; les compagnies se croisaient coude à coude, rejetées contre le talus par des motocyclistes : « Appuyez à droite ! À droite ! » ; les naseaux des chevaux d’artillerie nous soufflaient au visage, les