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XII
DANS LE JARDIN DES MORTS


La compagnie avançait par à-coups, arrêtée ici par les fusées, plus loin par les blessés qu’on emportait.

Le boyau évasé sortait parfois de terre, comblé par un obus, et, devant soi, on voyait émerger de l’ombre les camarades au dos rond qui galopaient à travers champs, l’arme à la main, puis ressautaient bien vite dans le fossé bouleversé. On ne parlait pas, on grognait à peine : nous filions, vite, comme si le bonheur nous avait attendu au bout.

— Attention ! fit passer à voix basse l’agent de liaison qui nous guidait vers les premières lignes, il y a deux hommes de corvée qui sont restés en travers du boyau. On n’a pas encore eu le temps de les enlever.

Gilbert, qui marchait devant moi, m’avertit :

— Enjambe.

Je butai dans quelque chose : deux boursouflures, deux tertres mous. Foulés par toute une relève, les