Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/297

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— Les copains… Louis !… Petit Louis !… Venez Vite, les copains, criait la voix à bout de forces. Vite…

Une autre grenade éclata, dont la flamme rouge éclaira brutalement les guetteurs au dos courbé, puis une troisième… Dans la tranchée allemande une petite fusillade crépitait, cherchant à cacher les départs des grenades dans sa pétarade.

— Alerte ! Ils attaquent… cria une voix.

Une houle remua les hommes, du bout de la sape au fond noir du gourbi. Dans la tranchée, les échines voûtées se redressèrent. Une fusée siffla, impérieuse. On entendit le bruit sec de fusils qu’on armait, et sans attendre, au jugé, d’un geste violent de leurs corps débandés, les grenadiers lancèrent leurs citrons. Ce fracas d’explosions couvrit tout le vacarme.

— Alerte ! Debout… criait-on dans le gourbi.

Les mains, à tâtons, cherchaient fiévreusement le fusil, reconnaissant du doigt son maillot de flanelle ou de toile cirée. Les pieds s’écrasaient. C’était un sourd tumulte de jurons, de gamelles décrochées, d’armes s’abattant lourdement, avec leur chapelet d’équipements suspendu au quillon.

— Dehors ! nom de Dieu…

En sortant, la lueur brutale des fusées aveuglait. On commençait à tirailler, Chacun se jetait au parapet, n’importe où, et épaulait. Coude à coude, nous étions soudainement comme autant de machines au travail. poussée brutale du recul, quand le coup part, geste automatique de la culasse qu’on ouvre et bloque, main qui se brûle au canon trop chaud. Par goulées, on respirait la poudre. Une seule idée : tirer. L’éclatement des obus qui cherchaient la tranchée nous faisait tan-