Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/313

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près de la porte, avec un bruit de godillots traînés, et, se passant les quarts, ils burent avidement. À chaque gorgée du chasseur, le vin traversant son menton troué retombait sur sa capote, en un mince filet.

— Tiens, trinquons tous les deux, lui dit le commandant.


En sortant de la salle éclairée, la nuit épaisse les étourdit. Des bandes d’hommes se distinguaient tachant la route de leur masse confuse et de leur brouhaha ; ils les suivirent vers le village. Les rues obscures et les cours sombres grouillaient de soldats invisibles et de voix cachées. Parfois, le feu brutal d’une roulante éclairait des silhouettes groupées.

Des bataillons de renfort attendaient, encombrant la rue, et les soldats se levaient pour questionner les blessés.

— On n’en sait pas plus que vous… C’est le mauvais coin… Où qu’est l’ambulance ?

Ils se pressaient, ayant aperçu la lanterne rouge, tout au fond de la nuit. Sur le pilier de la porte une pancarte était clouée :

Ici, blessés légers pouvant marcher.

L’enseigne ne leur donna pas confiance, avec son air badin.

— Pas ici, dit l’un ; ils ne doivent pas évacuer.

L’ambulance divisionnaire se trouvait de l’autre côté de la place. C’était une grande maison déserte et noire sans un meuble, sans un grabat.

En corps de chemise, son front brillant de sueur,