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III
LE FANION ROUGE


Depuis le petit jour, le régiment aunait la route de son long ruban bleu. C’était une grosse rumeur de piétinement, de voix et de rires qui avançait dans la poussière. Inlassablement, les camarades, coude à coude, se racontaient de ces histoires rebattues de régiment, toutes pareilles, qu’on croirait arrivées dans la même caserne. On se querellait, de rang à rang ; on vidait, à la régalade, les bidons remplis à la pause, et on interpellait au passage le cantonnier sur le bord de la route, le paysan dans sa vigne, la femme qui rentrait des champs. Parfois, on croisait un gendarme.

— Hé, gars… C’est pas par là les tranchées.

Personne ne pensait à la guerre. Cela sentait l’insouciance et la rigolade. Il ne faisait pas trop chaud, le pays était gai, et l’on regardait les choses avec des yeux amusés de soldats aux manœuvres.

Le visage luisant de Bouffioux portait des traces