Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/56

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montés, la couverture dessus, chaque homme son fusil près de lui… Maintenant, il me faut un volontaire…

Nous écoutions, coude à coude, les quatre sections en carré. Un crépitement désordonné de fusillade le fit taire un instant, l’oreille tendue, puis le bruit s’émietta en coups dispersés, et un silence inquiétant effaça tout. Étaient-ils à la route ?

— Un volontaire qui connaisse assez le secteur, reprit plus vite le capitaine. Il s’agit de guider une patrouille de la quatrième qui doit se mettre en liaison avec les territoriaux qui sont à droite du ruisseau. Des éléments ennemis se sont peut-être glissés là… Je connais plus d’un brave à la compagnie, n’est-ce pas, parmi mes anciens.

— Présent ! cria tout de suite une voix…

C’était Gilbert. Vite, il avait crié, spontanément sans réfléchir, rien que pour la joie vibrante d’entendre dans le silence sa voix qui n’avait pas peur ; rien que pour lancer orgueilleusement son nom devant trois cents hommes muets.

— Demachy… Première section.

Et son cœur battit d’entendre sa propre voix, son nom offert. Assuré, il sortit du rang, se frayant un passage d’un coup de coude, et se mit au garde-à-vous.

— J’aurais mieux aimé un ancien, dit le capitaine. Enfin, puisque vous vous présentez, c’est bien… C’est très bien.

On nous fit rentrer sous les abris, et Gilbert ayant pris les ordres s’éloigna, l’arme à la main.

Il escalada le talus et prit par les champs. Comme il longeait la vigne, il sursauta. Un homme là, devant lui… C’était une sentinelle qui surveillait la plaine.