Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/77

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je reconnais le seau de toile dans lequel, ce matin j’ai fait ma toilette, — et en vide quatre bons quarts, au jugé.

— Ce sera fameux, affirme Vairon, qui fait déjà claquer sa langue d’un air de gourmandise.

— Tu crois ? demande Bouffioux vaguement inquiet.

— Probable, approuvent tous les autres avec ensemble. T’as rien mis de mauvais dedans… De la viande, des patates, du lait pour adoucir, des poireaux, du vin, du lard d’Amérique, pour graisser un peu, du riz, pour lier la sauce, des biscuits. C’est du bon, tout ça.

Bouffioux, soucieux malgré tout, soulève le couvercle et flaire le mélange.

— J’sais pas si c’est une idée, mais ça sent drôle.

— Pourquoi que ça sentirait drôle ? proteste Sulphart qui veut s’en mêler.

Et écartant les autres, il vient humer à son tour le fumet de notre dîner.

— Ça donne faim, affirme-t-il avec un aplomb scandaleux. Tu goûtes pas ?

Vairon, sans se faire prier, puise dans le chaudron avec son quart, et en sort une sorte de pâte épaisse et violâtre dont la seule vue lève le cœur. Il goûte lentement, à petites gorgées de gourmet.

— C’est fameux, fait-il. Sans charre, c’est pépère ; seulement — et il semble chercher un moment — on dirait tout de même qu’il manque…

— Quoi, éclate Bouffioux, tu vas pas dire qu’il manque encore quelque chose !

— J’ dis pas, seulement à mon idée, un petit peu