Page:Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
VENGEANCE FATALE

DEUXIÈME PARTIE.

I

LA GRÂCE DE DIEU


Vingt ans se sont écoulés depuis les événements que nous venons de raconter.

Pendant le mois de juillet 1858, les comédiens de la troupe française de New-York et de la Nouvelle-Orléans, que n’a pas oubliée le public de Montréal qui fréquentait le théâtre à cette époque, donnèrent une représentation de la « Grâce de Dieu » ; ce magnifique drame applaudi alors sur tous les théâtres français et américains avait attiré, ce soir-là, l’élite de la société de Montréal, ce qui n’empêchait pas la foule du peuple d’affluer au parterre, aujourd’hui converti en parquet ou salle d’orchestre.

Les loges privées avaient toutes été retenues d’avance.

Dans l’une d’elles étaient trois personnes sur lesquelles nous devons appeler l’attention de nos lecteurs.

Ce groupe se composait de deux hommes et d’une jeune fille.

Le plus âgé de ces deux hommes pouvait avoir une cinquantaine d’années, quoiqu’il parût beaucoup plus jeune, malgré quelques rides qui sillonnaient son front haut et découvert. Il portait au petit doigt de sa main gauche un jonc émaillé d’une fleur bleue. Ce jonc devait inspirer beaucoup d’intérêt à son jeune compagnon, car depuis le commencement de la soirée, il n’en avait pas détourné sa vue un seul instant.