Page:Dormienne - Les Caprices du sexe.djvu/33

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coutumée, de la fille du marquis, s’étaient avisés de la questionner sur des sujets qui ne l’intéressaient point.

Louise ignorait qu’une jolie femme draine spontanément l’attention des mâles et que toutes ces questions inoffensives, voire absurdes, qu’on lui avait posées, fussent en somme des déclarations d’amour. Mais elle savait quelle gêne cela lui avait procurée ce soir, alors que la veille même elle en eût tiré mille satisfactions d’orgueil.

En quelques heures, aux yeux des gens, elle passait du rang d’adolescente incolore à celui de femme attirante. Et pourquoi donc tous ces gens n’avaient-ils pas soupçonné qu’une jeune fille ne devient femme qu’après certaines révélations ?

À chaque fois que cette idée lui était venue, durant les nombreux services du repas, elle avait senti le sang affluer à ses joues. Son regard questionnait alors sournoisement les voisins, pour quêter la preuve que cet émoi restait invisible… Las ! Partout des yeux fixés étaient appuyés sur Louise de Bescé, qui en souffrait à crier.

Après le dîner on s’était rendu au jardin d’hiver, parmi les plantes exotiques aux parfums délirants et les palmiers qui faisaient penser à quelque oasis… Une oasis fréquentée par des gens qui, en deux heures d’auto, sont à Paris, avenue du Bois-de-Boulogne, ou à la Bourse, ou chez leur maîtresse, avenue de Villiers ou rue de Courcelles.

Louise espérait s’isoler, pensant que maintenant les hommes parleraient affaires entre eux et les femmes chiffons ou littérature.

Son désir fut déjoué. D’abord, près d’elle et sans la voir, dans un massif curieux, ménagé comme une chambre, la duchesse de Spligarsy était venue s’asseoir. C’était une juive de Chicago, née Séligman, qui avait apporté une dot de trente millions au duc de Spligarsy, gentilhomme international ayant des