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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/106

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

France s’est décidée à s’y mettre. Nous avons eu beaucoup de peine à triompher ici de la routine, mais maintenant c’est fait ; il n’y a plus à y revenir et on ne trouverait personne, — si ce n’était peut-être dans l’Université — pour affubler Zeus du nom latin de Jupiter…[1] »

Voilà pour l’érudition. Mais de tous les témoignages d’estime, que Leconte de Lisle reçut, pour un travail auquel il s’était donné avec une foi d’apôtre, aucun assurément ne lui fut un réconfort aussi précieux que cette lettre de Victor Hugo :

« Mon Cher confrère, j’ai lu votre traduction d’Homère et je la relirai. C’est plus qu’une traduction, c’est souvent une révélation… J’avais mal appris le grec et je ne le savais plus. Vieux, je me suis mis en tête de le réapprendre. Vous m’aidez dans cette étude et je suis heureux de sentir votre main dans ma main, en marchant dans les grands Poèmes homériques… Votre traduction est un monument. Un traducteur, oui, certes vous l’êtes ; mais dans le savant qui traduit on sent le penseur qui crée. Vous êtes un miroir qui a sa lumière propre. Vous êtes l’homme docte et inspiré. Homère est à la fois, éclairci par votre érudition et éclairé par votre esprit. Vous avez le don des intelligences complètes qui sont sagaces, en même temps que visionnaires. C’est de ce double rayon qu’étaient fait les Prophètes. Vous êtes digne de traduire le prophète Homère. Le puissant poète qui est en vous fraternise avec la vieille âme de ce poète antique. Vous êtes là chez vous, on le sent. Familiarité glorieuse. Je vous félicite. Votre nom sera magnifiquement lié au nom d’Homère…[2] »

  1. Louis Ménard : Critique philosophique, 30 avril 1886.
  2. Lettre inédite de Victor Hugo datée de Jersey, Hauteville House, 20 avril 1867. — Et, au lendemain de la guerre, Georges Sand écrivait : « Il faudrait que l’on eût, pour M. Leconte de Lisle, une reconnaissance nationale pour avoir su, au milieu des événements tragiques de ces dernières années, poursuivre son austère labeur et nous donner la vraie notion du père de la tragédie, Eschyle. M. Leconte